29/01/2025 14:13
Sous la pression de Trump, l'UE adopte un cap résolument pro-business
La présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen s'exprime lors d'une conférence de presse à Bruxelles le 29 janvier 2025
Choc de simplification, baisse du coût de l'énergie... Bruxelles a dévoilé mercredi sa feuille de route pour la compétitivité qui place les entreprises au coeur du "quinquennat" d'Ursula von der Leyen après l'accent mis ces dernières années sur l'environnement.
La publication de cette "boussole de compétitivité" intervient sous la pression des annonces tonitruantes de Donald Trump en matière de protectionnisme ou d'investissements géants dans l'intelligence artificielle...
"Il est temps de relancer le moteur de l'innovation" en Europe, a déclaré la présidente de la Commission européenne, en présentant son projet. Elle a cependant assuré qu'il n'était pas question de renoncer aux engagements environnementaux. "Je veux être très claire, l'Union européenne maintient le cap concernant les objectifs du Pacte Vert", a-t-elle martelé.
Champions du numérique, les Etats-Unis mais aussi la Chine ont creusé un fossé béant avec une Europe enlisée dans la stagnation. L'UE entend revenir dans la course en appliquant les recommandations formulées l'an dernier par les anciens chefs de gouvernement italiens Enrico Letta et Mario Draghi dans deux rapports très médiatisés.
De premières propositions concrètes sur l'allègement du fardeau administratif des entreprises et des aides à l'industrie propre sont attendues le 26 février.
- Choc de simplification -
Les nombreux textes environnementaux votés ces dernières années sont dans le viseur des entreprises qui multiplient les menaces de délocalisation, tandis que les écologistes craignent un détricotage des lois climatiques.
Des dizaines de législations seront revues pour réduire la charge administrative, en particulier un texte emblématique sur le devoir de vigilance des entreprises envers leurs sous-traitants, un autre sur le reporting social et environnemental, ou encore le règlement Reach pour protéger la santé humaine contre les risques liés aux substances chimiques.
Ursula von der Leyen "a embrassé les appels des lobbies, des néo-libéraux et de l'extrême droite" et "confirme son offensive massive contre les législations environnementales", a dénoncé l'eurodéputée verte Marie Toussaint.
Une nouvelle catégorie de société de taille intermédiaire, entre PME et grand groupe, sera créée pour alléger le fardeau règlementaire de "milliers d'entreprises".
Un régime juridique européen spécifique, distinct des 27 juridictions nationales, serait créé pour permettre aux entreprises innovantes d'accéder à des "règles harmonisées" en matière de faillite, de loi du travail, de fiscalité.
- Energie moins chère -
Depuis la guerre en Ukraine, l'Europe a perdu son approvisionnement en gaz russe bon marché et subit un coût de l'énergie très supérieur à ses concurrents internationaux.
Pour sauver son industrie, l'UE doit réduire sa dépendance aux énergies fossiles. "Nous devons développer davantage notre production d'énergie issue de sources renouvelables, et, dans certains pays, du nucléaire", a déclaré à Davos Ursula von der Leyen, reconnaissant le rôle de l'atome longtemps tabou à Bruxelles.
La "boussole" de la Commission préconise aussi de "faciliter les contrats de long terme d'achat d'électricité" et d'accélérer l'investissement dans le réseau de transport et de stockage d'énergie.
- Aides à l'industrie -
Des aides publiques "ciblées et simplifiées" seront mises en place pour encourager la transition verte de l'industrie. Pour une efficacité maximale, le vice-président de la Commission Stéphane Séjourné voudrait viser prioritairement "les 100 premiers sites émetteurs de CO2" qui représentent plus de la moitié des émissions industrielles en Europe.
Des labels pour développer la demande en produits bas carbone seront créés. Bruxelles entend par exemple développer l'acier "vert" dont la demande est aujourd'hui quasiment nulle en raison de coûts prohibitifs.
Pour les branches les plus en difficulté comme la chimie, la sidérurgie et l'automobile, des plans sectoriels spécifiques sont prévus dès cette année.
- Assouplir les règles de concurrence -
L'innovation dans le secteur technologique nécessite de très gros budgets que seules les plus grandes entreprises sont en mesure d'assumer. D'où des mariages géants au niveau international.
Or, quand la Commission, gendarme de la concurrence dans l'UE, étudie une fusion, elle prend essentiellement en compte son impact sur les prix ce qui freine la création de champions européens.
Mario Draghi a recommandé d'adapter la réglementation des concentrations pour tenir compte aussi des effets positifs sur l'innovation. Il a été entendu par la Commission qui annonce "une révision des lignes directrices pour évaluer les fusions".
- Réduire les dépendances -
Stéphane Séjourné veut accélérer la réouverture de mines de métaux rares en Europe et a déjà reçu 170 projets d'exploitation ou de recherches minières, des projets souvent contestés localement pour leur impact environnemental.
L'objectif est de réduire les dépendances européennes, notamment envers la Chine. "On va faciliter" l'attribution de permis, affirme le commissaire chargé de la stratégie industrielle.
La "boussole" prévoit également la création d'une plateforme pour l'achat en commun de matières premières stratégiques.
Elle insiste sur le développement de partenariats internationaux multiples pour rendre les approvisionnements résilients y compris dans les technologies vertes (solaire, éolien), numériques (puces) ou les ingrédients essentiels pour les médicaments.
Dans un texte provisoire, la "boussole" évoquait l'introduction dès l'an prochain d'une "préférence européenne dans les marchés publics" pour certaines technologies critiques, une mesure poussée par la France afin de répliquer aux restrictions de la Chine.
- Construire l'union de l'épargne -
Le marché unique a plus de trente ans et il a aidé à faire naître des géants européens dans la chimie, l'aéronautique ou l'automobile. Mais il souffre d'angles morts: la finance, mais aussi les télécoms, l'énergie ou la défense restent morcelés par des réglementations nationales différentes.
"Supprimer les barrières restantes et élargir le marché unique contribuera à la compétitivité dans toutes ses dimensions", souligne la Commission.
Unifier les marchés de capitaux européens est une priorité, mais les intérêts nationaux divergents ont empêché tout progrès depuis dix ans. Résultat: l'Europe dispose d'une monnaie unique mais ses start-up restent incapables d'effectuer les levées de fonds géantes de leurs concurrentes aux Etats-Unis.
Ursula von der Leyen a promis à Davos une première mesure concrète: la création de "nouveaux produits d'épargne et d'investissement européens".
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