30/01/2025 20:49
Après la construction, les fournisseurs du bâtiment s'enfoncent dans la crise
Un chantier de construction à Bordeaux, en avril 2024
Quand le bâtiment ne va plus, ses fournisseurs non plus. Les fabricants de matériaux craignent des plans sociaux pour 2025 et misent sur des mesures de soutien dans le budget en discussion pour éviter de s'enfoncer un peu plus dans la crise de la construction.
Malgré des mesures annoncées dans le projet de budget pour tenter de relancer le logement, moteur de la croissance de la construction, comme l'extension du prêt à taux zéro, toute la filière est plombée par la grave crise du secteur du bâtiment en France.
"Cette année, nous allons assister à des plans sociaux dans nos entreprises après la fin de leurs contrats d'intérim en 2024", a prévenu jeudi Jacques Manzoni, président de la commission économique de l'association qui regroupe les fabricants de matériaux, AIMCC, lors d'une conférence sur les perspectives 2025.
Selon une enquête interne, 52% des adhérents de l'association estiment que leurs effectifs "vont diminuer" en 2025, contre 43% qui estiment qu'ils vont "stagner".
"Aujourd'hui, il y a eu assez peu de plans sociaux, les entreprises ont essayé de les éviter en adaptant leurs effectifs via la fin de leurs contrats d'intérim", a détaillé Philippe Gruat, président de l'association, "mais certains plans sociaux sont à l'étude aussi bien dans les secteurs industriels liés au gros oeuvre que dans le second oeuvre".
- "catastrophe" -
Selon lui, "la catastrophe était annoncée". "Nous n'avons pas été écoutés par les gouvernements successifs, il n'y a pas eu de politique du logement depuis de nombreuses années", a-t-il regretté.
"Maintenant que nous sommes dans la crise, nous avons une meilleure écoute", a-t-il dit, regrettant néanmoins qu'il doive "se passer des mois" avant que les mesures envisagées par le gouvernement pour soutenir l'activité (extension des prêts à taux zéro, allégements de certains frais pour accélérer la transmission intergénérationnelle du patrimoine) ne soient mises en oeuvre. Et à condition qu'il n'y ait pas de nouvelle censure du gouvernement.
"Nous vivons une des crises du logement les plus importantes que nous ayons eu à supporter", a reconnu la ministre chargée du logement Valérie Létard jeudi matin à Aubervilliers.
Elle espère que le budget, associé au maintien d'une grande partie du dispositif Ma Prime Renov' cette année, va parvenir à donner de l'air à un secteur asphyxié.
- "délétère" -
"L'impact d'une nouvelle censure du gouvernement serait délétère pour l'économie, le pays, ses citoyens", a-t-elle averti, puisqu'elle bloquerait toute mesure budgétaire nouvelle.
"En janvier et février, sur le dossier Ma Prime Renov', nous n'avons pu rien instruire, rien autoriser, rien payer", ce qui contribue à envenimer la crise du bâtiment, selon la ministre, le dispositif déclenchant à lui seul "1,8 milliard d'euros de travaux par mois d'activité".
L'avertissement social d'AIMCC est d'autant plus important qu'il représente 7.000 entreprises de plus de 20 salariés regroupées dans 39 organisations adhérentes, 450.000 emplois et 60 milliards de chiffre d'affaires sur le marché français.
Jeudi matin, l'association Evolis, qui regroupe par ailleurs les fabricants de matériels utilisés par l'industrie et le BTP a aussi noté une baisse d'activité l'an passé.
Dans ce secteur, le chiffre d'affaires qui a le plus reculé en 2024 est celui des nacelles, grues, matériels de terrassement, pelleteuses (-7,9%). Les ventes de matériel de terrassement ont chuté de 25%.
Seule embellie de la construction jeudi, l'inauguration de l'extension du centre de recherches du géant des matériaux Saint-Gobain à Aubervilliers, qui héberge 500 chercheurs travaillant sur la décarbonation du verre, des plaques de plâtre ou sur le recyclage de la laine de verre.
Dans un bâtiment très lumineux, accolé au site historique de Saint-Gobain où l'on fabriquait de la soude au 19e siècle, le groupe qui veut être le "leader mondial de la construction durable", met l'accent sur la chimie de la construction et compte "travailler à l'émergence de meilleures réponses pour un secteur en difficulté", selon son PDG Benoit Bazin.
© 2025 AFP-Paris (AFP)