29/04/2025 07:07
Moins d'eau, même rendement : le pari durable du riz chilien

Vue aérienne d'un champ de riz pendant la récolte à Ñiquen, dans la région de Ñuble, le 9 avril 2025 au Chili
Dans les plaines du sud du Chili, de plus en plus touchées par la sécheresse, une expérimentation ouvre de nouvelles perspectives pour la culture du riz, grâce à une variété capable d'assurer de bons rendements avec moins d'eau face aux climats extrêmes.
Pendant des millénaires, l'humanité a inondé ses rizières, afin de protéger les plants des maladies.
Mais la raréfaction de l'eau rend aujourd'hui indispensable la recherche de méthodes plus économes pour produire l'aliment le plus consommé au monde.

L'ingénieure agronome Karla Cordero dans un champ de riz à San Carlos, dans la région de Ñuble, au Chili, le 9 avril 2025
A Ñiquen, dans la région de Ñuble, à 400 kilomètres au sud de Santiago, Javier Muñoz avait l'habitude d'inonder ses rizières. Désormais, grâce à une expérimentation, il a réduit de moitié sa consommation d'eau, tout en obtenant une récolte abondante.
"La culture du riz a toujours été inondée, un changement aussi profond est historique", note auprès de l'AFP l'ingénieur agricole de 25 ans.
Alors que le Chili subit depuis 15 ans une sécheresse inédite, liée au changement climatique selon les experts, Karla Cordero, ingénieure agronome de l'Institut national de recherche agricole (INIA), a mis au point une nouvelle variété de cette céréale, Jaspe, issue du croisement de semences chiliennes et russes, plus résistante aux conditions extrêmes.

Des agriculteurs ensachent le riz récolté à Ñiquen, dans la région de Ñuble, au Chili, le 9 avril 2025
Grâce à cette nouvelle variété non transgénique, issue d'un long processus de sélection, elle a pu mettre en œuvre le Système de riziculture intensive (SRI), une technique développée dans les années 1980 visant notamment à réduire l'inondation des rizières.
Souvent jugé trop exigeant à mettre en place, elle a démontré son efficacité lors de son association à cette variété mieux adaptée au stress hydrique.
- "Approche prometteuse" -
"Nous avons réalisé qu'il était possible de produire du riz sans inonder. Et malgré l'utilisation de moins de semences, obtenir la même production qu'avec un système traditionnel", explique Karla Cordero.

Un chercheur pèse du riz à l'Institut national de recherche agricole (INIA), dans la région de Ñuble, au Chili, le 10 avril 2025
Jaspe résiste mieux "aux tempêtes, aux inondations, aux vagues de chaleur", ajoute-t-elle, en observant des épis dorés dans les rizières de la famille Muñoz.
Semée en rangs espacés de 30 cm, la nouvelle variété à grain long n'a nécessité que la moitié des 2.500 litres d'eau généralement requis pour produire un kilo de riz.
Chaque graine a donné une trentaine de plants, soit près de dix fois plus qu'une culture classique.
L'objectif est de faire du Chili un modèle pour les régions "où on produit de grandes quantités de riz et où il y a des sécheresses", note Mme Cordero.

Vue aérienne des cultures expérimentales de riz de l'Institut de recherche agricole (INIA) à San Carlos, dans la région de Ñuble, au Chili, le 10 avril 2025
En coordination avec l'Institut interaméricain de coopération pour l'agriculture, la technique sera testée prochainement au Brésil - plus grand producteur de riz des Amériques -, en Uruguay et en Equateur.
Depuis une dizaine d'années, l'économie d'eau dans la culture du riz est une priorité également "en Amérique du Nord et dans plusieurs pays d'Asie de l'Est et du Sud-Est", souligne Robert Zeigler, directeur de l'Institut international de recherche sur le riz.
Au Japon, des semences sont développées pour faire face aux températures élevées, mais "pour qu'une nouvelle variété soit commercialisée, il faut quelques années de développement", note Makiko Taguchi, experte en riziculture à l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO).

Du riz noir cultivé à l'Institut national de recherche agricole (INIA) à Chillan, dans la région de Ñuble, au Chili, le 9 avril 2025
Le projet chilien constitue "une approche prometteuse pour améliorer la production de riz tout en réduisant l'impact sur l'environnement", note-t-elle en outre.
Le riz est responsable de 10% des émissions mondiales de méthane, selon l'organisation onusienne. Fréquemment associé aux vaches, ce gaz à effet de serre est également généré par des bactéries qui se développent dans les rizières inondées.
Contrairement à la tendance observée au Chili, où la sécheresse a réduit la culture du riz, la famille Muñoz multipliera sa production la saison prochaine.
Et alors que Jaspe prend son envol, avec une commercialisation prochaine sur le marché national après avoir obtenu en 2023 le feu vert du ministère chilien de l'Agriculture, Mme Cordero pense déjà à son prochain défi : cultiver du riz dans les terres désertiques d'Arica, dans l'extrême nord du Chili.
© 2025 AFP-Ñiquén (Chili) (AFP)